Avant la bouteille, la brique : le lait,
avant le lait : la vache,
avant la vache : quelle vache ?
Et avec cette vache : ce qu’elle mange, où elle vit…
La ferme
Chez Philippe et Mathieu Renaud à Baignes-Sainte-Radegonde. Visite pour remettre les choses dans l’ordre.
La vache est un herbivore. Un grand élan de simplification et d’intensification de la production ces dernières années nous l’aurait presque fait oublier. Philippe Renaud, fut embarqué dans ce mode de production où l’industrie semble résoudre les problèmes ; elle les crée, avec des solutions clés-en-main pour tout traiter. Des budgets pour nourrir, des budgets pour les semences, des budgets pour les pesticides, des budgets pour soigner… un produit vidé de son sens, de son goût, des bêtes qui développent des problèmes de métabolisme, un fermier que cela rend malade.
Et si on recommençait ? Un grand élan de bon sens et de clairvoyance sur ces années écoulées et Philippe Renaud reconsidère la question avec son fils : et si on leur offrait de belles prairies à ces vaches ? Pendant toute la phase de conversion, les étapes se font les unes après les autres, sans impatience mais avec des résultats tout de suite visibles. Quelle satisfaction ! « Franchement, c’est du velours la bio, pour nous-autres éleveurs ! On s’amuse. »
Les champs autour de la ferme sont beaux, gras. Ils ont bien résisté à la chaleur de l’été, fournis de luzerne mais pas seulement. En observant plus précisément, ce sont des dizaines d’espèces qui se complètent, se côtoient, se compensent, s’associent. Le sol est visiblement plus vivant, se régulant désormais plus naturellement. La question des semences a été reconsidérée dans la foulée. Le fermier travaillant actuellement à produire ses propres graines, « comme on le faisait autrefois ».
A l’étable en ce début d’automne, des Normandes, des Montbéliardes, des Jersiaises. Les vaches vont mieux. Plus de problème de métabolisme, elle digèrent comme elles auraient toujours dû le faire. Elles ruminent, comme des vaches… Formidable.
Next. Le lait.
Qu’est-ce qu’on lui fait au sortir du pis ?
Après la traite, le lait est cru. Naturel, vivant. Il est riche !
Dans les magasins, il a un bouchon jaune. Ce qui signifie qu’il a juste été réfrigéré, de la température du corps de la vache à 2-4°C.
Par la suite, il lui est souvent infligé diverses manipulations à visée de confort. Toujours cette idée du confort qui nous emmène bien loin de la santé, du goût et de l’intuition… Pour faire simple :
- homogénéisation : par très haute pression, on éclate les molécules de matières grasses. Elles ne forment plus cette couche de crème qui flotte au-dessus du lait. Elles deviennent des particules fines qui passent assez directement dans le sang.
- filtration (ultra-, micro-) : grille qui enlève une grande partie des bactéries du lait, utiles ou pas. Pas très subtil.
- pasteurisation : traitement thermique, rapide, qui détruit toutes les protéines sensibles. Il ne reste plus grand chose de vivant dans un lait pasteurisé (cf les analyses réalisées par Véronique Richez-Lerouge dans La vache qui pleure). Marqué UHT.
- pasteurisation au bain-marie : c’est le couple montée en température/temps qui compte, le bain-marie est ainsi moins destructeur.
- écrémage : isoler la crème pour standardiser le taux de matière grasse dans le lait – ou fabriquer la crème ou le beurre. Cf la couleur des bouchons, rouges, bleus, et dramatique, vert…
Alors évidemment, quand on cumule les procédés, on arrive dans les rayons assez loin de l’idée de lait. Les parfums, l’onctuosité, les vertus… Bye-bye.
Merci à Philippe Renaud, de Côté Ferme, qui nous fournit du bon lait cru, notamment sur les marchés de Bordeaux, Cognac, Barbezieux. Certifié BIO, certifié bon accueil, certifié beaux champs-belles vaches. Merci de prendre le temps d’accueillir les curieux et gourmands.
Merci à Véronique Richez-Lerouge qui se penche sur nos bons fromages, et donc sur nos bons laits. Son livre-enquête : La vache qui pleure (Editions Nouveau Monde).
Pour retrouver le plaisir du lait : recette des oeufs au lait.